Les grands fauves, par Christophe Labarde

A paraitre en abrégé dans la Jaune et la Rouge

Sous ce titre cynégétique se cache une biographie, ou plutôt une hagiographie, de Claude Bébéar, X 1955, fondateur d’AXA, écrite par un témoin privilégié, grand spécialiste de name dropping.[i]

Plon, 2021, 520 p.

On comprend mieux de quoi il s’agit en lisant le bandeau : « L’histoire secrète du capitalisme français » et le sous-titre : « L’histoire secrète d’Entreprise et Cité ». Il s’agit en effet, à travers l’histoire de ce club très privé créé par Claude Bébéar (ci-après désigné par ses initiales CB) en 1984 et fermé en 2007, de raconter l’histoire de CB depuis sa naissance en 1935 à Issac, un petit village du Périgord jusqu’à son apogée au début du XXIème siècle.

On y découvre comment, entré 4ème à l’X en 1955, il passe plus de temps à s’occuper de la Kès et de ses cocons que de ses cours et en sort dans les derniers, ce qui ne l’empêchera pas de donner son nom au stade de rugby de l’Ecole. Comment il se retrouve – par hasard dit-il – embauché par le père d’un de ses camarades de promo, André Sahut d’Izarn (X 1924, 1905-1972), fondateur des Anciennes Mutuelles, société d’assurances rouennaise dont la part de marché n’est que 1 %. Il en transfère le siège à Belbeuf en 1969 et en prend la direction en 1975, à la suite de ce que l’auteur décrit comme son premier putsch. Il y en aura d’autres !

Inspiré par Georges Tattevin (X 1917, 1898-1972), patron du groupe Drouot, considéré comme un grand visionnaire, il absorbe diverses petites mutuelles pour créer les Mutuelles Unies avant de frapper un premier grand coup en enlevant en 1982 le groupe Drouot, beaucoup plus gros que lui, au nez et à la barbe de Francis Bouygues et en quittant la Normandie pour s’installer à Marly, siège de Drouot. Il est alors premier assureur privé français et donne à son groupe le nom d’AXA malgré les critiques qui y voient plutôt un nom de lessive !

Il lance peu après, via une petite société exotique dénommée Bayas Tudju, une OPA hostile contre la Providence, dirigée par Bernard Dubois de Montreynaud (X 1944, 1925-2002) et le Secours, dirigé par Victor-Claude Rosset (X 1944). Il l’emporte après une bataille épique sur Bernard Pagezy (Compagnie du Midi et AGP) qui tente de jouer le rôle de chevalier blanc.

Curieusement, Pagezy demandera à CB en 1988 de jouer le rôle de chevalier blanc pour le protéger des visées d’Antoine Bernheim (Generali) sur la Compagnie du Midi. Mal lui en prend ! CB en prend le contrôle après une nouvelle bataille épique qui en fait le deuxième assureur français, derrière l’UAP mais devant les AGF et le GAN.

Après avoir pris pied aux USA en 1992 avec la prise de contrôle d’Equitable, CB passe en 1996 un accord avec Jacques Friedmann (UAP), pour fusionner avec l’UAP mais en fait pour l’absorber via une OPE qui lui permet de payer l’opération en actions. Le voila numéro un, alors que la devise de l’UAP était Numéro un oblige !

Plutôt que de diriger le CNPF (ancien nom du Medef) ou l’AFEP (club des grandes entreprises), dirigé par Ambroise Roux (X 1940, 1921-1999), CB concrétise en 1984 son idée de création d’un club de grands patrons soucieux de faire du social. Entreprise et Cité voit le jour autour d’un noyau dur constitué par Bernard Dumon, Jean-René Fourtou (X 1960), et Philippe Midy, auxquels se joignent rapidement Serge Kampf, Jean-Louis Beffa (X 1960), David de Rothschild, puis Michel Pébereau (X 1961), Bernard Arnault (X 1968), Vincent Bolloré, Michel François-Poncet, Didier Pineau-Valencienne et tout le gotha des grands patrons en place ou en devenir, qu’il serait fastidieux de citer ici.

En 2000, alors qu’il cède les rênes d’Axa à Henri de Castries, CB crée l’Institut Montaigne avec la participation de cadres d’entreprises, de hauts-fonctionnaires, d’universitaires et de représentants de la société civile. On y trouve Henri Lachmann, Alain Mérieux, Guy Carcassonne, Nicolas Baverez, Ezra Suleiman, Olivier Blanchard, Yazid Sabeg, Gilles Kepel…  Cette « boite à idées », qui a pour objectif de concilier les enjeux de compétitivité et de cohésion sociale, s’illustre par des rapports sur l’égalité des chances, l’identité nationale ou la régulation financière, qu’on aurait plutôt attendus du côté de Terra Nova, mais défend aussi des orientations libérales, notamment en matière de réduction des dépenses publiques. C’est ainsi qu’il préconise l’augmentation du temps de travail dans les secteurs public et privé, la dégressivité de l’indemnisation du chômage ou la création d’une franchise de remboursement médical, toutes propositions que le fondateur de X Sursaut ne peut qu’approuver si on veut que la France sorte du gouffre financier dans lequel l’ont mise quatre décennies de déficit public, accru par deux années de « quoi qu’il en coûte »…

Pour en savoir plus sur Entreprise et Cité, sur la formidable histoire de la création d’AXA, sur l’Institut Montaigne et sur tous ceux qui ont gravité autour de ces institutions et de CB, lisez les Grands fauves. Vous saurez la différence entre les gascons ashkenazes (comme Michel Pébereau) et les gascons séfarades (comme CB) et vous saurez tout sur les matches de rugby, les parties de chasse et les repas gastronomiques bien arrosés auxquels participaient les membres d’Entreprise et Cité tout en refaisant le monde entre la poire et le fromage…

Hubert Lévy-Lambert X 1953

Fondateur de X Sursaut


[i] HEC 1984, Christophe Labarde est journaliste au Figaro, auteur, entrepreneur et DG de la French American Foundation.

L’action est la sœur du rêve, par Pierre Laffitte (X 44) [i]

A paraitre dans la Jaune et la Rouge

Né en 1925 à St Paul de Vence, Pierre Laffitte est mort en juillet 2021 à Cagnes sur Mer, juste avant la sortie de ses mémoires, dont le titre est le contrepied de ce qu’écrivait Baudelaire : « Certes, je sortirai quant à moi satisfait d’un monde où l’action n’est pas la sœur du rêve… ».

Incorrigible optimiste, il écrit en exergue : « Je dédie mes mémoires à toutes les personnalités que j’ai eu la chance de rencontrer pour avoir permis de nourrir ma vision optimiste du futur… ».

Dans ce livre fort dense, fourmillant d’anecdotes, Pierre raconte ses origines familiales : avec un arrière-grand-père Justin Pouyanne (X 1867) ingénieur au corps des mines, affecté à Alger à sa sortie de l’école des mines, créateur du service des mines, de la géologie et de l’hydraulique, ce n’est pas lui qui dira que la colonisation a été un crime contre l’humanité ! Pierre décrit ensuite sa petite enfance, de St Paul de Vence (Alpes Maritimes) à Rohrbach (Moselle), où il fait l’apprentissage de la diversité culturelle rurale, ses années de lycée à Nice, les années de guerre, pendant lesquelles sa famille protège un jeune juif, ce qui  vaudra à sa mère Lucie Fink et son beau-père Emile Hugues d’être nommés Juste parmi les Nations en 2008 [ii], l’Ecole polytechnique, qu’il intègre second derrière André Giraud, où il cumule les titres de Maj d’E-Phy,  Pitaine artificier et Maj de crans (sic), ce qui lui vaut de partager le micral avec son cocon Giscard.

Sorti dans le Corps des mines, il entre à l’Ecole des mines en 1948, devient géologue de terrain puis s’occupe de la transformation du BRGG en BRGM (1959). Il s’occupe ensuite du développement de l’Ecole des mines, comme sous-directeur en 1963, directeur 1972-84) et président du conseil de perfectionnement (1984-95).

Après un chapitre sur la Conférence des Grandes écoles, qu’il crée en 1968, Pierre s’étend longuement sur Sophia Antipolis, l’œuvre de sa vie, dont il a créé l’association éponyme en 1969 mais à laquelle il réfléchissait depuis de nombreuses années, comme l’atteste une libre opinion publiée dans le Monde du 20 août 1960 : « Le quartier latin des champs ».

Pour terminer, Pierre nous explique que c’est « l’opportunité de porter la science au Parlement » qui l’a amené à devenir sénateur en 1985, à la mort de Francis Palmero dont il était suppléant depuis 1971. Il nous fait enfin part de ses convictions pour demain. Le fil rouge de sa vie, nous dit-il en conclusion, a toujours été ce besoin viscéral de partage du savoir, devenu une véritable exigence éthique : « ceux qui ont eu la chance d’avoir fait des études leur ayant permis d’accéder au savoir ont pour devoir de le partager. »

On trouve en annexe une impressionnante liste de titres, carrières et fonctions tenus par Pierre pendant sa longue vie. J’y ajoute qu’en tant que vice-président du groupe X Israël, il avait participé à un tour d’Israël que j’avais organisé pour célébrer le Bicentenaire de l’X en 1994, de Tel Aviv à Jérusalem en passant par la Mer morte et Jéricho, sans oublier une montée sur les hauteurs du Golan et une mémorable prise d’armes au cimetière français de Saint Jean d’Acre.

Hubert Lévy-Lambert (X 53)


[i] Presses des Mines, octobre 2021, 288 p.

[ii] Les sauveteurs de Denys Lévy – Comité Français pour Yad Vashem (yadvashem-france.org)

Marwan Lahoud remet la Légion d’honneur à Hubert Lévy-Lambert

Chers amis,

J’ai le plaisir de vous transmettre l’enregistrement des discours prononcés à l’X le 20 octobre dernier par Eric Labaye, président de l’Ecole polytechnique, Marwan Lahoud, président de l’Association des anciens élèves, et moi-même, à l’occasion de ma promotion au grade de chevalier de la Légion d’honneur.

A la septième fois, les murailles tombèrent !

Chers camarades,

C’est avec une grande satisfaction que j’ai accueilli l’annonce de l’élection d’un candidat « libre », en l’occurrence Serge Delwasse (86), lors de l’assemblée générale de l’AX tenue ce soir 21 juin à la Maison des X.

J’ai félicité le président Marwan Lahoud pour avoir rendu cette démocratisation possible et, pour célébrer cette première mondiale, qui fait suite à sept années d’efforts de ma part pour démocratiser notre vénérable association, j’ai cité ce poème, particulièrement approprié pour un jour de fête de la musique, puisqu’il célèbre les Trompettes de Jéricho [i]

Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée.
 
Quand Josué rêveur, la tête aux cieux dressée,
Suivi des siens, marchait, et, prophète irrité,
Sonnait de la trompette autour de la cité,
Au premier tour qu’il fit le roi se mit à rire ;
Au second tour, riant toujours, il lui fit dire :
– Crois-tu donc renverser ma ville avec du vent ?
À la troisième fois, l’arche allait en avant,
Puis les trompettes, puis toute l’armée en marche,
Et les petits enfants venaient cracher sur l’arche,
Et, soufflant dans leur trompe, imitaient le clairon ;
Au quatrième tour, bravant les fils d’Aaron,
Entre les vieux créneaux tout brunis par la rouille,
Les femmes s’asseyaient en filant leur quenouille,
Et se moquaient, jetant des pierres aux Hébreux ;
À la cinquième fois, sur ces murs ténébreux,
Aveugles et boiteux vinrent, et leurs huées
Raillaient le noir clairon sonnant sous les nuées ;
À la sixième fois, sur sa tour de granit
Si haute qu’au sommet l’aigle faisait son nid,
Si dure que l’éclair l’eût en vain foudroyée,
Le roi revint, riant à gorge déployée,
Et cria : – Ces Hébreux sont bons musiciens ! –
Autour du roi joyeux, riaient tous les anciens
Qui le soir sont assis au temple et délibèrent.
 
À la septième fois, les murailles tombèrent.
 

Les mauvais points

Après ces félicitations méritées, le président Marwan Lahoud ne s’est pas étonné que je me permette de lui donner deux mauvais points :

  • J’ai regretté que l’idée de créer une grande maison des X comportant des installations culturelles, sportives et hôtelières, comme le font les grandes universités américaines, n’ait pas été approfondie avant de se lancer dans des travaux rue de Poitiers et rue Descartes.
  • J’ai regretté que le magnan décennal, que j’ai créé en 2013 pour célébrer les anniversaires de promos en 3, n’ait été poursuivi dans sa version originale qu’en 2014 et 2015 puis se soit mélangé à d’autres activités de l’Ecole et étiolé pour disparaitre quasiment corps et biens depuis plusieurs années pour différentes raisons.

Le mus’X

J’ai rappelé que Jacques Biot m’a confié en 2016 le soin de regrouper les collections variées qui existaient dans différents couloirs et placards pour donner à l’Ecole un musée digne de sa glorieuse histoire et proposé d’en organiser la visite pour les promos qui souhaiteraient tenir à Palaiseau leur magnan, décennal ou non.[ii] Ceux qui ne peuvent se déranger peuvent en faire une visite virtuelle grâce à Google Art et Culture [iii]

Le mussef

J’ai rappelé enfin que je m’occupe maintenant de créer un musée du monde séfarade à Paris, le Mussef, et que j’espère pouvoir vous le faire visiter avant 7 ans [iv]

Le Mussef décrira l’histoire et la culture des communautés juives qui vivaient dans le bassin méditerranéen depuis des centaines voire des milliers d’années et qui ont dû s’exiler au milieu du siècle dernier, suite à la création de l’Etat d’Israël et à la décolonisation.

Ce projet devrait toucher les personnes de toutes les religions car sa raison d’être est non seulement de rendre justice à l’histoire et à la souffrance des juifs exilés, mais aussi d’en faire un exemple universel d’ouverture et de tolérance et peut-être un avertissement à ceux qui observent sans bouger le sort des Chrétiens d’Orient et d’autres communautés en danger de par le monde.

Hubert Lévy-Lambert X 53


[i] Victor Hugo, Les Châtiments, 1852.

[ii] Titre – Accueil – Accueil (polytechnique.org)

[iii] École Polytechnique, Palaiseau, France — Google Arts & Culture

[iv] AMUSSEF – LA MEMOIRE VIVE DES COMMUNAUTES JUIVES DU MONDE SEFARADE, MEDITERRANEEN ET ORIENTAL

La catastrophe ou la vie [i]

A paraitre sous une forme réduite dans la Jaune et la Rouge

Après Une guerre qui ne peut avoir lieu, essai de métaphysique nucléaire (notre recension du 3 mai sur dallax.blog), Jean-Pierre Dupuy (X 60) vient de sortir ce petit livre de « pensées par temps de pandémie», où il égrène en 13 chapitres les pensées qui lui sont venues au jour le jour pendant la crise du covid. Echelonné du 10 mai au 15 décembre, ce « journal de pensée » s’ouvre par une longue introduction où JP explique que l’ambition de son livre est, tout simplement, d’essayer de comprendre comment, en prenant exemple sur la France, les Etats-Unis et le Brésil, pays qu’il connait bien, tout un ensemble de gens intelligents et cultivés, qu’il appelle des intellectuels, ont pu et peuvent encore déraisonner au sujet de cette pandémie. Tout en étant lui-même intellectuel, JP explique qu’il ne fait pas partie du lot critiqué car il a l’avantage d’avoir une formation scientifique, ce que je peux attester car le premier de ses quelques 30 ouvrages, dont la liste occupe 4 pages à la fin du livre, est un livre plein d’équations, que nous avons écrit ensemble voici un demi-siècle [ii] Hélas, JP constate que ce qui est un avantage aux USA, où il enseigne à Stanford, serait plutôt un inconvénient en France…

Après un premier chapitre au titre ésotérique, la meilleure mort, le deuxième démonte le covidoscepticisme, représenté par André Comte-Sponville que JP descend en flammes car il ne connait pas la différence entre moyenne et médiane. JP s’attaque ensuite à ceux qui dénoncent une prétendue sacralisation de la vie, en distinguant entre la vie nue et l’authentique vie humaine. Il y revient dans un chapitre sur la vie biologique, grandeur et déclin, après une diversion sur le concept de catastrophisme éclairé, qui procède d’une réflexion sur le rôle du prophète de malheur, comme Jonas à Ninive, auquel il a consacré il y a 20 ans un livre encensé par la critique.[iii]

On passe ensuite au sophisme de l’an 2000, exemple d’évènement prévu par tous mais qui ne s’est pas produit : toutes les sociétés ont engagé d’énormes dépenses pour éviter que leur informatique se plante le 31 décembre 1999 et il ne s’est rien passé, preuve selon certains que le soi-disant bug de l’an 2000 était une illusion et qu’il ne fallait rien faire ! JP trouve ce sophisme dans le discours des intellectuels français à propos de la pandémie. Après un chapitre intitulé masques et mensonges, qui font bon ménage depuis la nuit des temps, JP s’insurge contre l’indécence du tri entre les personnes à soigner. Pourtant tout le monde sait que ce tri a toujours existé car les moyens disponibles sont limités et la seule autre solution est le tirage au sort qui n’est vraiment pas optimal. Un autre chapitre sur le prix de la vie rappelle que les ingénieurs économistes qui ont travaillé naguère sur la RCB avaient déterminé un prix à appliquer aux vies humaines sauvées par les investissements routiers, qui n’était pas du tout un jugement de valeur mais simplement une variable duale traduisant la contrainte budgétaire. Les valeurs implicites sont très différentes dans les transports et dans la santé. JP ne s’ offusque pas de ce qui chagrine les économistes, considérant qu’un homme n’est pas une jeep !

 JP conclut que nous n’avons décidément pas été à la hauteur de notre passé ni de ce que comme peuple nous sommes capables de penser et de faire. Qui pourrait contester cette conclusion ?

Truffé de nombreuses notes de bas de page montrant l’érudition de son auteur, ce livre a eu un retentissement important. Vous pouvez en trouver notamment une recension dans l’Express du 25 mars [iv] et dans l’Obs du 22 avril [v]

Hubert Lévy-Lambert (53)


PS Evènements improbables

Pierre Pène, gouverneur militaire du pays de Bade

Pierre Pène et moi

A réception du dernier numéro de la Jaune et la Rouge contenant ma recension du livre d’Olivier Pène sur son père Pierre Pène (X 20 S), compagnon de la Libération (la Jaune et la Rouge n° 765 p 89), j’ai eu la surprise de me reconnaitre dans le jeune garçon figurant sur la photo de Pierre Pène illustrant l’article ! Par quel hasard étais-je à côté de lui sur cette unique photo de Pierre Pène en uniforme figurant sur le site de la famille Pène ??

Henri Cartier-Bresson, le grand jeu

Bal de l’X à l’Opéra 1968

La BnF François Mitterrand consacre une belle exposition à un ensemble de 360 oeuvres de Cartier-Bresson choisies par lui-même pour représenter la quintessence de son oeuvre. Cinq commissaires d’exposition, dont François Pinault ou Wim Wenders, ont choisi, sans se concerter, un ensemble de 50 oeuvres qui sont exposées dans 5 galeries. Certaines oeuvres se retrouvent dans plusieurs galeries. L’une d’entre elles, intitulée Bal de Polytechnique à l’Opéra en 1968, a attiré mon attention. Qui me dira le nom du VIP qui y figure ? Et celui du jeune conscrit en GU ??

[i] Edition du Seuil, 2021, 264 p.

[v] Oui, la vie est le bien suprême, l’Obs, 22 avril 2021, pp 61-64

[ii] Les choix économiques dans l’entreprise et dans l’administration, Dunod, 1973-75

[iii] Pour un catastrophisme éclairé, quand l’impossible est certain, Seuil, 2002-2004

[iv] Les intellectuels covidosceptiques sont de sophistes, L’express, 25-31 mars 2021, pp 64-65.

La guerre qui ne peut pas avoir lieu

Un livre de Jean-Pierre Dupuy (X 60) [i]

A paraitre sous forme abrégée dans la Jaune et la Rouge

J’ai déjeuné récemment chez Jean-Pierre Dupuy. Outre un repas gastronomique préparé par son fils Jean-Baptiste, Jean-Pierre m’a dédicacé ce livre. Lui ayant demandé s’il avait fait l’objet d’une recension dans la Jaune et la Rouge, il m’a répondu : « Depuis mon premier livre, Les choix économiques dans l’entreprise et dans l’administration, écrit avec toi en 1973, jusqu’à La catastrophe ou la vie, pensées par temps de pandémie, qui vient de paraitre ( mon blog du 18 mars), aucun de mes quelques 30 ouvrages n’a été recensé par cette noble revue ». Interrogé sur la question, Charles-Henri Pin, le digne responsable de cette rubrique, m’a répondu : « Pour avoir une recension de son livre, un X n’a qu’à en envoyer un exemplaire à la rédaction. Sauf pour des personnalités connues, nous ne sommes pas informés de la sortie de livres écrits par des X. La recension est un court texte de 1 500 signes espaces comprises écrit (et signé) par un X autre que l’auteur.». Voilà qui est fait, cher Charles-Henri, peut-être avec quelques signes de trop, mais permets-moi de regretter que le Forum du livre polytechnicien, que j’avais créé en 2013 dans le cadre du magnan décennal, pour permettre précisément à tous les auteurs X de se faire connaitre, ait sombré corps et biens au bout de quelques années en même temps que le magnan décennal devenu grand magnan puis quasiment abandonné.

***

Consacré à la guerre nucléaire, sous-titré « essai de métaphysique nucléaire », ce petit livre commence par une citation du regretté Donald Trump, écrite en 1990 dans Playboy (sic) : « J’ai toujours beaucoup réfléchi à la question de la guerre nucléaire… C’est la catastrophe ultime, extrême, le monde n’a pas de défi plus important à relever, et pourtant personne n’analyse les mécanismes qui y mènent… ».

Dans une longue introduction, JPD nous explique que le monde est, dans une Horloge de l’Apocalypse de 24 heures, à une minute de minuit et que (presque) tout le monde s’en fiche. Il s’en prend notamment à Trump qui avait menacé en 2017 Kim Jong Un de détruire la Corée du Nord avant d’être le premier président américain à le rencontrer en tête-à-tête. Cette rencontre n’a certes pas eu de résultat concret mais Trump est depuis des années le seul président US qui n’a pas déclenché de guerre pendant son mandat !

Dans une deuxième partie, JPD définit le concept de dissuasion, résumé dans l’acronyme MAD (Mutual Assured Destruction) et tente de démontrer que la catastrophe est inévitable mais qu’elle peut ne pas se produire ! Il explique que la menace de représailles n’est pas crédible, que les intervenants soient rationnels ou simulateurs, voire fous, en distinguant dissuasion et préemption, première frappe et riposte, armes tactiques et stratégiques, dissuasion équilibrée ou du faible au fort, avec l’exemple de la force de frappe française.

En conclusion, si la dissuasion a marché et peut encore marcher, c’est du fait de l’indétermination de l’avenir. JPD a défendu cette thèse dans Pour un catastrophisme éclairé (2002) à propos de nombreuses autres catastrophes qui pèsent sur l’humanité, comme le changement climatique, la perte de la biodiversité ou les accidents industriels. Il est excusable de ne pas avoir parlé de pandémie, près de 20 ans avant la Covid 19 mais on aurait aimé qu’il mentionne la mère de toutes les catastrophes qui menacent l’espèce humaine et qui fait l’objet d’un déni général : son explosion démographique incontrôlée !

Dans la troisième partie, intitulée « théorie pure de MAD », JPD résume plus de 10.000 pages consacrées à la pensée stratégique sur l’arme nucléaire et son acmé dans le concept de MAD. Ce diable d’homme est capable d’avoir vraiment tout lu mais on regrette qu’il n’ait pas inséré à la fin de son livre une bibliographie résumée. Il semble qu’il se soit surtout appuyé, enseignant à Stanford oblige, sur des auteurs d’Outre-Atlantique et notamment de la Rand Corporation, berceau de la théorie du choix rationnel et de la théorie des jeux. C’est ainsi qu’on n’y trouve nulle référence à Le Grand Débat, best-seller dans lequel Raymond Aron faisait déjà le tour de la question en 1963,juste après la crise des missiles de Cuba [ii]. Quoi qu’il en soit, il conclut que l’absence de guerre nucléaire depuis Hiroshima ne prouve pas que la dissuasion est effective.

La dernière partie est consacrée à une critique externe de la théorie pure de MAD. En s’appuyant sur l’actualité, l’histoire, l’anthropologie, la théologie, la théorie littéraire, la philosophie et la métaphysique, JPD montre qu’à son avis, il est possible de donner des fondements rationnels à l’efficacité de la dissuasion nucléaire et qu’il nous resterait peu de temps avant que l’inévitable se produise.

Une annexe théorique développe l’application de la théorie des jeux à la dissuasion nucléaire. On y voit surtout des jeux à deux, plus appropriés au temps de la Guerre froide qu’à notre période d’intervenants multiples [iii] . On attend un nouvel opus expliquant ce qui se passe lorsque la bombe est détenue aussi par des pays comme la Corée du Nord et peut-être bientôt l’Iran, si Biden revient inconditionnellement dans le JCPOA, voire par des organisations terroristes comme Al Qaida ou Daech, dont tous les dirigeants ne connaissent pas forcément la théorie des jeux !

Ceux qui veulent en savoir plus sur ce livre peuvent regarder l’interview de JPD faite par Joëlle Véran en mai 2019 sur youtube.

Hubert Lévy-Lambert (X 53), fondateur de X Démographie


[i] Desclée de Brouwer, 2019, 230 p. 17,90 €.

[ii]Le Grand Débat, Initiation à la stratégie atomique, Calmann-Lévy, 1963, 304 p.

[iii] Sur ce point, JPD écrit : « le système de la dissuasion à deux acteurs est le plus difficile à analyser, si l’on a en tête comme moi de distinguer entre les deux formes de rationalité que j’oppose, celle qui tient l’avenir pour ouvert et celle qui le tient pour fermé. Dans ce dernier cas, on comprend la seconde critique portée traditionnellement à la dissuasion : si elle réussit, elle échoue. Donc elle ne peut réussir. Ce qu’on appelle le caractère auto-invalidant d’une dissuasion réussie. Si elle réussit, la guerre nucléaire n’a pas lieu, elle se révèle « donc » comme impossible et la dissuasion se révèle inutile. A n acteurs, a fortiori si n tend vers l’infini, les choses sont bien sûr plus difficiles en pratique, mais paradoxalement plus faciles conceptuellement. »

La vie de Pierre Pène, Compagnon de la Libération

Article à paraitre dans La Jaune et la Rouge

Un de nos 33 glorieux Compagnons de la Libération (dont 12 à titre posthume), Pierre Victor Pène est né en 1898 à Paris d’un père employé des chemins de fer, originaire de Cier de Rivière (Haute Garonne) et d’une mère normande, professeur de piano. Il est reçu à l’X en 1917 mais n’y entre que dans la promo 20 Spéciale, après avoir fait une guerre brillante dans l’artillerie et avoir perdu son frère Henri, mort pour la France en 1918. Sa biographie a été écrite par son fils Olivier Pène [i]

Ingénieur des Ponts

Sorti de l’X dans les Ponts et Chaussées, Pierre effectue en 1924-25 un stage d’hydrologie à Grenoble où il rencontre Françoise Lévy-Neumand, orpheline de guerre, apparentée à la philosophe Simone Weil[ii]. Elle se convertira au catholicisme pour ne pas déplaire à ses futurs beaux-parents et lui donnera 2 filles, Florence et Annette et 2 garçons, Henri-Didier et Olivier, l’auteur de cette biographie. Il est ensuite affecté à Madagascar puis devient ingénieur en chef des travaux publics d’Ethiopie (1930-33), directement rattaché au Négus Haïlé Sélassié. Il passe ensuite 3 ans à Paris comme secrétaire de la 1ère section du Conseil général des Ponts et chaussées, avant d’être nommé ingénieur en chef d’arrondissement à Soissons jusqu’en 1941. Lors de la « drôle de guerre », il est affecté comme capitaine au 3ème régiment d’Artillerie Coloniale puis au service des Routes de la 7ème Armée, dirigée par le Général Giraud, envoyée en Belgique pour tenter de s’opposer à l’avance allemande avant de se replier précipitamment vers le Sud, au lieu de rester en France pour protéger Sedan.

Pierre Pène, peint par son épouse Françoise

Résistant

Comme pour beaucoup de Français, la débâcle de 1940 est un choc terrible pour Pierre. Avec André Boulloche (X 34) et Jean Bertin (X 19S), qui seront tous deux nommés Compagnons de la Libération, il rejoint l’OCM (Organisation civile et militaire de la Résistance) et son réseau de renseignement Centurie, puis l’Armée Secrète, dans les Ardennes et l’Aisne, qui fait partie de la zone dite interdite, avec divers pseudonymes (Taille, Périco, Portet, Pointis). Il se cache début 44 à Paris après l’arrestation de son chef Roland Farjon (Dufor) et devient, avec le grade de colonel, inspecteur régional des FFI (Forces françaises de l’intérieur, nouveau nom de l’Armée Secrète) en remplacement de Roger Coquoin qui vient d’être arrêté et tué[iii]. Son délégué militaire régional est André Boulloche (X 34) qui est arrêté en janvier 44 et est remplacé par André Rondenay (X 33) qui sera arrêté en juillet 44 et fusillé et sera nommé Compagnon de la Libération à titre posthume. De nombreux autres membres de son réseau sont arrêtés début 1944, dont son chef le colonel Touny, fusillé peu après. Pierre est arrêté le 4 avril 1944, porteur de 800.000 francs en billets neufs et de papiers compromettants. Torturé par la Gestapo rue des Saussaies, il est envoyé à Fresnes puis à St Quentin et à Senlis dont il réussit à s’évader avec Roland Farjon le 10 juin 44, moyennant un poignet cassé. Par mesure de rétorsion, le même jour sa femme Françoise est arrêtée avec toute sa famille et incarcérée à Fresnes pendant 6 semaines.

Les 33 polytechniciens Compagnons de la Libération

Commissaire de la République

Retourné clandestinement à Paris, Pierre reprend contact avec l’OCM et est nommé le 28 juin 44, sur proposition d’Emile Laffon et Michel Debré, Commissaire de la République pour la Picardie et les Ardennes et rejoint avec peine St Quentin avec un ordre de mission signé du Général de Gaulle. Fixés par une ordonnance du 10 janvier 1944, en vue de contrer les projets d’une administration américaine (AMGOT), les pouvoirs de ces 18 Commissaires, sortes de super-préfets,  étaient énormes, mais ils se sont atténués progressivement jusqu’à leur suppression en mars 46 après la démission du Général de Gaulle.

Gouverneur du Pays de Bade

Le colonel Pène en Allemagne

Sur l’insistance de de Gaulle et avec l’appui de Churchill, une petite zone d’occupation avait été attribuée à la France dans le Sud-Ouest de l’Allemagne. Dirigée par le général Koenig assisté d’Emile Laffon, puis par André François-Poncet, elle était divisée en 4 régions, dont le pays de Bade dont Pierre est nommé en été 46 gouverneur, avec ses bureaux à Fribourg en Breisgau et son domicile à Umkirch, dans un château des Hohenzollern ayant appartenu à Stéphanie de Beauharnais. J’aurai le plaisir d’y passer les étés 48 et 49, et de faire connaissance de Pierre Pène, qui se faisait appeler « Excellence », et de toute sa famille, dont l’auteur de ce livre, alors blondinet de 5-6 ans ! Pierre restera à ce poste jusqu’à l’été 52, bien que l’occupation se soit terminée en septembre 49, avec la proclamation de la RFA.

Une reconversion décevante

De retour à Paris, Pierre espère trouver un poste important, à la Haute autorité de la CECA, président d’EDF ou gouverneur général de Madagascar. Il sera déçu car tous ces postes lui échappent malgré ses éminents états de service. Il sera membre de la délégation française à l’AG de l’ONU (52), super-expert au Ministère de la reconstruction (53), membre du cabinet de Chaban-Delmas aux Travaux publics dans l’éphémère cabinet Mendès-France (54), conseiller du gouvernement monégasque pour les travaux publics (55-60), inspecteur général des Ponts et chaussées (60-65), puis membre du Comité d’histoire de la 2ème guerre mondiale. Victime d’un infarctus puis d’un cancer, il s’éteint en 1972, laissant derrière lui son épouse, morte en 1997 et une postérité de 33 personnes vivantes en 2020.

Hubert Lévy-Lambert (X 53), membre de X Résistance


[i] Vérone Editions, 2021. Fruit de plusieurs années de recherches, ce livre de plus de 600 pages est rempli d’anecdotes et assorti de nombreuses notes et d’un volumineux index. On trouvera plus de détails sur Pierre Pène sur le site Pierre Pene et famille et un résumé sur sa page wikipedia .

[ii] Ses mémoires posthumes ont été publiées en 2013 sous le titre « Françoise Pène, La vie d’une femme résistante ». Cf la Jaune et la Rouge d’août-septembre 2015, p 89

[iii] Une plaque à la mémoire de Roger Coquoin et de Pierre Pène a été inaugurée en juin 2019 devant le n° 4, rue des frères Perrier, Paris

Retour vers le passé

Retour sur les GAFAM

Qui ne regrette pas que les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) aient pris tant d’emprise sur nous ? Mais qu’y faire ? Qui d’autre que Google aurait proposé de nouer un partenariat entre le Mus’X et Google Arts & Culture ? C’est une belle reconnaissance qui n’est pas accordée à tous les musées.

Le Mus’X est malheureusement fermé depuis des mois et on ne sait pas quand il sera à nouveau ouvert au public. En attendant, vous pouvez le visiter en virtuel grâce à ce partenariat.

Retour sur la colonisation

J’ai créé fin 2018 l’association des amis du musée du monde séfarade (Amussef) après avoir terminé mes travaux de création du musée de l’X et fusionné Amusix au sein de la Sabix.

Dans le cadre de mes travaux de recherche relatifs au monde séfarade, je viens de tomber sur une pépite : le dictionnaire biographique des Français d’Afrique du Nord, par René Mayer (X 1947), préfacé par Claude Cohen-Tannoudji.

J’en ai fait l’objet d’une lettre spéciale d’Amussef du 18 mars 2021 que je vous invite à lire : Numéro spécial sur les Français d’Afrique du Nord – AMUSSEF

Vous y verrez que parmi les quelques 1500 personnalités recensées dans ce livre, 785, soit plus de la moitié, sont polytechniciens ! En lisant la 4ème de couverture ainsi que la préface de Claude Cohen-Tannouji, qui est de la même promo 53 à Gnouf que moi à l’X, vous verrez que ce livre est assurément un vibrant hommage à la colonisation, quoi qu’en disent certains.

Dans la notice nécrologique écrite en mémoire d’Ivan Chéret (X 1944) pour la Jaune et la Rouge, j’avais osé écrire que ses travaux d’aménagement hydraulique du Sénégal pouvaient difficilement être qualifié de « crime contre l’humanité ». Menacé de censure, j’ai dû faire machine en arrière et retirer cette phrase non politiquement correcte…

Retour sur le grand magnan

J’ai créé le magnan décennal en 2013 avec la participation des promos 1933 à 2003, à l’image des anniversaires organisés systématiquement tous les ans dans les universités américaines, pour resserrer les liens entre les alumni et leur alma mater et les amener à participer à leur financement. Plus de détails sur le site 10nplus3.

Il a été poursuivi avec brio en 2014 par Marie-Louise Tronc-Casademont (64) et en 2015 par une équipe dirigée par Michel Rostagnat (75). Hélas, les sites 10nplus4 et 10nplus5 ne répondent plus mais on trouve des vidéos de 2015 sur  un site de X Israel !

Pris en charge depuis lors directement par l’AX et dénommé grand magnan, avec l’abandon de l’idée initiale de réunir chaque promo à Palaiseau une fois tous les 10 ans et un mélange inopportun avec la fête de la science, il n’a fait que se réduire en peau de chagrin année après année, avant même la crise du covid, tout en restant, selon l’AX, l’un des 3 grands évènements de l’année, avec le colloque et le bal.

La sortie d’un livre sur la promo 1901 conduit à se demander si on ne pourrait pas revenir en 2021 aux fondamentaux de ce projet et faire un vrai magnan décennal des promos en 1, de la 1941 à la 2011 ?

J’ai posé la question aux autorités de l’AX le 5 mars. J’attends la réponse…

Retour sur la Commune de Paris

Lors de la préparation de l’érection du nouveau monument aux morts de l’X à Palaiseau, des discussions avaient eu lieu sur la liste des camarades à y inscrire. Ceux qui étaient officiellement inscrits comme « morts pour la France » y avaient droit sans hésitation mais cette qualification n’existait pas avant la guerre de 14. C’est ainsi que Louis Rossel (X 1862), fusillé par les Versaillais en 1871, n’a pas eu droit à son inscription sur le monument aux morts. J’ai proposé à la Sabix de l’honorer à l’occasion du sesquicentenaire de la Commune. Ci-après sa notice, publiée dans la brochure Pour la Patrie publié par X Monument -Sabix en 2014 :

Louis Rossel (X 1862), colonel, est le seul officier supérieur à avoir rejoint la Commune de Paris. Il y a joué un rôle important comme délégué à la Guerre. Il s’est efforcé par tous les moyens, y compris la révolte, d’empêcher la capitulation décidée par Bazaine, qu’il considérait comme évitable. Il a été fusillé pour trahison le 28 novembre 1871 à Satory, à l’âge de 27 ans malgré les protestations de  Victor Hugo, de  Denfert-Rochereau (X 1842) et de nombreux intellectuels qui le considéraient comme un héros, de même que, de nos jours, le général de Gaulle ou Jean-Pierre Chevènement. Contrairement à Vaneau (1829) en 1830 ou à Duvivier (1812) en 1848, voire à Decugis (1926) en 1944, étant du mauvais côté, il n’aura pas l’honneur d’être considéré comme mort pour la Patrie et d’avoir son nom gravé sur le monument aux morts de l’Ecole.

Pensées par temps de pandémie

C’est le sous-titre du dernier livre de Jean-Pierre Dupuy (X 1960), qui vient de paraitre au Seuil dans la collection Débats sous le titre La catastrophe ou la vie.

Jean-Pierre Dupuy a tenu pendant la pandémie un « journal de pensée » d’un genre spécial : il réagit moins aux événements que nous avons tous vécus depuis le mois de mars 2020 qu’à la manière dont ces événements ont été analysés, discutés. Il le fait à la lumière de sa contribution majeure à la pensée de la catastrophe développée dans un livre fameux et souvent mal compris, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain (Seuil, 2002 ; 2004).

Voici un livre de combat mû par la colère. La colère de voir des intellectuels relativiser la gravité de la pandémie en cours, s’engager dans une critique virulente de sociétés et de gouvernants qu’ils jugent obsédés par la « protection de la vie », au point de sacrifier l’avenir du monde, de l’économie et des libertés publiques. Avec rigueur et détermination, Jean-Pierre Dupuy leur répond et met au jour les erreurs logiques – et scientifiques – qui sous-tendent ces raisonnements, et propose par là même une réflexion passionnante et passionnée sur la mort et la vie au temps de la pandémie.

Editions du Seuil, mars 2021, 276 p. 20 €

Avant de devenir philosophe, Jean-Pierre a enseigné l’économie avec moi au CEPE et à l’ENSAE et a co-signé notamment notre cours d’économie appliquée : Les choix économiques dans l’entreprise et dans l’administration (Dunod, 1973), préfacé par Marcel Boiteux, alors président d’EDF. C’était l’époque où on parlait de Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB) et pas de « principe de précaution » et où on n’avait pas honte d’attribuer une valeur à la vie humaine pour établir un ordre de priorité entre investissements concurrents. Mais cette époque est révolue et on dépense quoi qu’il en coûte. Qui a dit « Après moi le déluge » ?

Hubert Lévy-Lambert (53)

Lettres et contes du Barrandien, par Christian Marbach (X 1956)

Mon cher Barrande,

Tu as vraiment de la chance que Christian Marbach (X 1956), l’immortel organisateur des festivités du bicentenaire de notre chère Ecole en 1994, t’ait sorti de l’injuste oubli où tu étais tombé, ainsi que ton fils putatif Jan Neruda, avec l’artistique aide de Claude Gondard (X 1965), alias Claudius Gramedex Gondarov, et l’appui de la précieuse Sabix et des Presses des Ponts (Editions Sabix et Presses des Ponts, 2020, 264 p.).

Pour compléter la présentation de son livre par Marbach lui-même (la Jaune et la Rouge, avril 2020, pp76-78), je me permets de sortir à nouveau de ma réserve, comme je l’avais fait à l’été 2016 en réponse à la préface que Monge avait bien voulu écrire aux Portraits de Polytechniciens du même Marbach (la Jaune et la Rouge, juin-juillet 2016, pp 42-43).

Tu n’avais pas besoin d’expliquer pourquoi tu as choisi, comme ton modèle Chateaubriand, d’écrire ton autobiographie apocryphe en français plutôt qu’en tchèque ou en allemand, puisqu’au début du XIXème siècle l’Europe parlait français. Le traité de Vienne, qui marquait la fin des tentatives napoléoniennes d’unification de l’Europe, n’a-t-il pas été rédigé en français ? Tu n’aurais d’ailleurs pas compris que l’Europe parle maintenant anglais alors même que les Anglais en sont sortis !

J’ai adoré tes anachronismes du genre « The rain in Spain… » de My fair lady (p 61), « candidater » (p 76), les peintres impressionnistes (p 91), les couleurs jaune et rouge qui résument toute la science du monde (p 104), l’éléphant Babar ou Kiri le clown (p 109), l’allusion à la Métamorphose de Kafka (p 121), le soldat Schweik (p 137) ou la nouvelle bête du Gévaudan, rebaptisée Trabant (p 144), voire la première gorgée de bière de Delerm (p 145), les amours d’une blonde de Forman (p 149), Cyrano de Bergerac (p 223) ou Asterix (p 224).

J’encourage mes jeunes camarades nés deux siècles après moi à lire tes lettres et contes, qui leur montreront que la Margeride n’a pas enfanté que la Bête-te-te du Gévaudan, dan, dan mais aussi des polytechniciens dont le Major de la 1819 qui se passionnera pour la géologie de la Bohême, ses fossiles et ses trilobites (rien à voir avec le trio de l’opéra éponyme de Puccini) et en décrira le Système silurien en pas moins de 8.000 pages, après avoir construit un pont sur la Loire avec le Saint-Simonien Paulin Talabot (X 1819 aussi) puis été le précepteur puis l’exécuteur testamentaire du duc de Bordeaux, alias comte de Chambord, alias Henri V, fils miraculeux de l’extravagante duchesse de Berry et petit-fils de Charles X, exilé en 1830 au profit de Louis Philippe l’usurpateur, lui-même remplacé en 1848 par une brève République que j’ai eu l’honneur de diriger quelques jours.

Je suis convaincu que les progrès des études généalogiques permettront bientôt, avec l’appui des tests ADN, du genre My Heritage ou 23andme, de vérifier si Barbora Nérudova était pour toi plus qu’une simple gouvernante et si son fils Jan aurait pu t’appeler papa et non tonton…

François Arago (X 1803) pcc H Lévy-Lambert (X 1953), vice-président de la Sabix

Réponse de Joachim Barrande

Cher ami,

Je viens de lire avec plaisir ton texte, j’ai envie de le commenter mais je me trouve bien embarrassé pour le faire. Dois-je prendre la plume d’oie de Joachim, ou l’ordinateur de Christian ? Dois-je répondre à Arago, un Arago d’ailleurs véritable prophète puisqu’il traite d’anachronismes des faits ou des citations qu’il n’a pas connus de son vivant, ou à Hubert qui se meut dans ce mélange de passé et de futur avec son habituelle dextérité ?

Merci donc pour ton essai, qui me semble indiquer intérêt et indulgence pour ma présentation de notre ancien : sans avoir la vision politique, souvent  lucide, d’Arago, ni son aura scientifique incomparable, Barrande mérite bien quelques pages.

Je pourrais en dire autant de Neruda. Et prenant délibérément l’identité barrandienne, je peux te faire ici une confidence : moi aussi, j’aimerais savoir si je suis son père.

Bien à toi, et excellente année malgré les difficultés de notre époque. Mais Arago et Barrande en ont vécu des bien plus rudes !

Joachim Barrande pcc Christian Marbach

Vers une Europe puissance, par Alain Crémieux

A paraitre dans la Jaune et la Rouge, revue des anciens élèves de Polytechnique

Dans la collection « Questionner l’Europe » dirigée par Bruno Péquignot, qui accueille depuis 2017 des ouvrages qui contribuent aux débats sur les questions européennes, Alain Crémieux, X 55, ingénieur général de l’Armement, examine dans un essai très incisif et documenté, les raisons de l’absence d’une véritable politique de défense commune au niveau de l’Europe et propose une piste pour tenter de remédier à cette fort fâcheuse carence.

Alors que l’Europe a réussi à se doter de nombre de politiques communes, Alain se désole de constater qu’il n’en est pas de même de la défense, malgré l’instauration par le traité de Maastricht (1992) d’une Politique Etrangère et de Sécurité commune (PESC). Il déplore qu’une trentaine de pays, répartis sur 10 millions de km2, regroupant de l’ordre de 500 millions d’habitants (avant le Brexit), avec un PIB représentant près de 20 % du PIB mondial, font un effort militaire global important mais dispersé et seraient incapables de résister à une attaque majeure sans l’aide et le soutien des Etats-Unis, alors que l’OTAN est une organisation dont notre président Macron a regretté l’état de mort cérébrale et dont on ne sait pas si le président Joe Biden considérera l’article 5 comme plus contraignant que son prédécesseur Donald Trump.

Après une analyse des solutions possibles pour remédier à froid à cette situation, Alain propose de créer un Etat confédéral disposant d’une nouvelle constitution. Il serait intéressant de savoir ce qu’en aurait pensé notre ancien Président Valéry Giscard d’Estaing (X 44), hélas disparu récemment, dont les travaux dans le cadre de la Convention sur l’avenir de l’Europe ont abouti à l’échec que l’on sait. Mais, nous sommes vingt ans après et Guillaume d’Orange n’a-t-il pas dit qu’il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer ?

Après l’X et Sup’Aéro, Alain a exercé différentes fonctions à la Délégation Générale pour l’Armement et au ministère de l’Industrie. Il a été attaché d’armement auprès des ambassades de France à Londres et à Washington, conseiller du représentant de la France à l’OTAN et directeur du Centre des Hautes Etudes de l’Armement.

Il a écrit de nombreux livres dont L’éthique des armes (2006), Mémoires d’un technocrate (2009), Les armements du prochain siècle (2010)Quand les Ricains repartiront (2016), Germania (2017), La guerre nucléaire à pile ou face (2019), sans oublier H (2014), qui raconte les affres d’un commandant de sous-marin nucléaire lanceur d’engins, qui a peut-être inspiré Antonin Baudry (X 94) pour son film Le chant du loup en 2019 ?

Hubert Lévy-Lambert (53)

L’Harmattan, 2020, 149 p