Gérard Worms (X 1955) 1936-2020

 

Notice dont un résumé doit paraitre dans la Jaune et la Rouge, revue des anciens élèves de l’Ecole polytechnique.

Gérard Worms est né le 1er août 1936 à Paris. Son père André Worms, représentant en ganterie et sa mère Thérèse Dreyfus viennent d’anciennes familles juives de Lorraine et de Belfort. 

Après avoir passé une partie de la guerre caché dans le Vercors, Gérard fait de brillantes études au lycée Carnot, marquées par un prix de la Fondation des bourses Zellidja et un premier prix de thème latin et un accessit de version latine au concours général. Après avoir envisagé la khâgne, il entre en taupe au lycée Saint Louis.

Il est reçu à l’ENS et à l’X mais choisit l’X dont il sort troisième dans le corps des mines. Après son service militaire et l’Ecole des mines, sa première affectation en 1960 est l’OCRS (Organisation commune des régions sahariennes) où j’étais depuis 1958 et il commence sa carrière sur un tabouret dans un coin de mon bureau ! Située au 21 rue la Boétie, l’OCRS était un organisme sui generis créé par le général de Gaulle pour tenter de maintenir dans le giron de la République ce qu’on appelait alors départements des Oasis et de la Saoura, malgré l’indépendance à venir de l’Algérie, en y associant des pays riverains (Mauritanie, Tchad, Niger). On sait ce qu’il en advint ! Deux ans après, les accords d’Evian marquent la fin de l’OCRS mais Gérard suit son patron Olivier Guichard qui vient d’être chargé de créer la Datar (délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale), assisté de Jérôme Monod, qui deviendra DG de la Lyonnaise des Eaux. Il le suit encore en 1967 quand il est nommé ministre de l’Industrie – il y avait alors un vrai ministère de l’industrie ! – puis en 1968 ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire. On ne discutait pas alors de l’ardente obligation d’avoir un Plan !

Après le référendum de 1969 et le départ du général de Gaulle, Gérard ne suit pas Guichard qui, devenu ministre de l’Education nationale, crée l’IUT de Compiègne, dont Gérard deviendra président. Il entre au cabinet de Jacques Chaban-Delmas, premier ministre de Georges Pompidou, chantre de la Nouvelle société. Il y travaille sous la direction de Simon Nora sur les dossiers industriels, en étroite liaison avec Lionel Stoleru (X 56, aux Finances), Jean-Paul Parayre (X 57, à l’Industrie) et Bernard Esambert (X 54, à l’Elysée) qui explique dans Pompidou, capitaine d’industrie (Odile Jacob, 1994) que ce quatuor sera baptisé par tous, y compris les médias, les Mousquetaires de l’industrialisation !

Gérard accepte ensuite la proposition que lui fait Simon Nora d’être DGA de Hachette. Il en devient DG en 1975 puis administrateur en 1978. Après en avoir restructuré la division « Presse », il est appelé par Jean Gandois (X 49) en 1980 pour devenir DG de Rhône-Poulenc, qui sera nationalisé en 1982. En 1983, Jean Peyrelevade (X 58), DG de la Compagnie financière de Suez, l’embauche comme DGA. Il devient DG en 1986 au départ de Peyrelevade puis président en 1990 à la mort de Renaud de la Génière. Mais ce n’est pas un poste de tout repos et il est mis en minorité en 1995 par son conseil d’administration. C’est son dauphin Gérard Mestrallet (X 68) qui lui succède et finalise les négociations avec Jérôme Monod pour prendre le contrôle de la Lyonnaise des Eaux, renommée Suez Environnement puis Suez tout court – qui défraye actuellement la chronique avec le projet de prise de contrôle par Véolia, anciennement Générale des Eaux. Gérard entre alors à la banque Rothschild et Cie, créée par David de Rothschild en 1983, comme président du conseil des commanditaires puis associé-gérant en 1999 et senior advisor en 2006.

Parallèlement à ses activités professionnelles, Gérard a eu, tout au long de sa vie, de nombreuses autres activités d’intérêt général pour lesquelles il était beaucoup sollicité. Leur diversité reflète ses engagements et intérêts : vice-président du Syndicat national de l’édition ; président de l’ANRT (association nationale de la recherche technique) ; de la société d’économie politique ;  du Siècle ; de COE-Rexecode ; de l’IUT de Compiègne ; de l’Association Coup de Pouce ; des amis de l’Université Ben Gourion de Beer-Sheva ; de la chaine Histoire… Mais sa plus importante activité, qui concilie toutes ses expériences, est sans aucun doute la présidence de la section française de la Chambre de commerce internationale, puis de la Chambre de commerce internationale elle-même, qui l’amène à participer aux plus grands sommets internationaux.

Gérard a également enseigné l’économie à HEC, à la faculté des lettres et de sciences humaines de Paris et à l’X. Il n’a publié que ses cours à HEC, qu’il qualifiait ironiquement d’alimentaires (Méthodes modernes de l’économie appliquée, Dunod, 1965). Ses cours à l’X sont disponibles à la bibliothèque mais n’ont jamais été publiés (Economie de l’entreprise, 1974 à 1980).

Il a écrit de nombreux articles dans de nombreux domaines, sans que son activité débordante lui permette de publier d’autres livres. Il a rédigé ses mémoires à l’intention de sa famille.

Grand mélomane, Gérard avait épousé en octobre 1960 Michèle Rousseau, musicienne, fondatrice en 1984 de la Lettre du musicien (https://www.lalettredumusicien.fr/). La musique a marqué toute leur vie, et ils organisaient de nombreuses soirées musicales.

Ils ont eu 2 enfants : Frédéric, normalien et agrégé de philosophie, actuellement directeur adjoint de l’ENS, et Anne-Cécile, Sciences Po Paris, serial entrepreneure, actuellement fondatrice et présidente des entreprises innovantes Art2M et ArtJaws (linkedin.com/in/anne-cécile-w-8bbb0097).

Tous ceux qui ont rencontré Gérard ont été frappés par l’empathie qu’il montrait en toute occasion. Michel Villaneau (X 55) écrit que « tous ses camarades de promo ont gardé de Gérard le souvenir d’un esprit brillant et d’une grande courtoisie. Tous ceux qui l’ont connu ont apprécié ses qualités de coeur et d’esprit». André Lévy-Lang (X 56), ancien président de Paribas, écrit : « … j’ai toujours été admiratif de sa qualité de jugement et de sa finesse mais aussi de sa grande bienveillance, une qualité rare ». Sa fille Anne-Cécile parle de son « aptitude au bonheur ». Son fils Frédéric parle de sa « relation avec l’autre », une conception de la vie quasi-philosophique. Son ami Jean-François Bensahel, président de l’ULIF, parle de la « simplicité des grands ». Lors de sa nomination à la présidence de Suez en 1991, Jean de Belot écrivait dans les Echos : « le seul mal qu’on puisse dire de Gérard Worms, le président de Suez, est de ne pouvoir en dire que du bien. Beaucoup. Presque trop. Ce qui, dans le monde des affaires, peut paraitre suspect. Un peu comme si cette intelligence incontestée, mais toujours simple, était au service d’un caractère par trop consensuel. Un trait que l’intéressé ne conteste pas. Mais qui, loin s’en faut, ne résume pas l’homme. La convivialité n’interdit pas le sens de la décision ; la modération n’exclut pas la fermeté… (https://www.lesechos.fr/1991/06/gerard-worms-une-fermete-souriante-949322).

Pour la petite histoire, lorsque j’ai demandé l’agrément de l’AX pour X Sursaut en 2005, j’avais été convoqué à une séance spéciale du conseil de l’AX dont plusieurs membres se demandaient s’il était bien conforme à l’objet de l’AX d’intervenir sur le terrain de la politique économique. J’avais obtenu l’agrément après un débat plutôt houleux, appuyé par Gérard Worms qui avait bien voulu m’accompagner, ainsi que Jean Peyrelevade.

Gérard était commandeur de la Légion d’honneur, décoré de l’ordre national du Mérite et du Mérite maritime. Il est mort, hélas, juste avant ses 60 ans de mariage. Ah, comme le chantait sa petite-fille Manon, reprenant l’un des airs qu’il avait si souvent fredonnés dans tous les contextes, y compris professionnels, mais cette fois lors de son propre enterrement au cimetière de Pantin : « Si l’on pouvait arrêter les aiguilles… ».

Hubert Lévy-Lambert (X 53), président d’honneur de X Sursaut

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