Voici le 6ème numéro des portraits de polytechniciens Xtraordinaires.
« Il ne suffit pas d’entrer à l’X pour sortir de l’ordinaire »
Ce numéro spécial est consacré à Bernard Zimmern (X 49), à l’occasion de l’hommage qui vient de lui être rendu par l’iFRAP à la Maison des X le 8 juin 2022, date de son anniversaire. Il reprend la notice nécrologique que je lui avais consacrée dans la Jaune et la Rouge d’octobre 2020.
Bernard Zimmern (X 49), grand défenseur des libertés contre les bureaucraties
Par Hubert Lévy-Lambert (X 53), président d’honneur de X Sursaut
Homme d’exception, infatigable entrepreneur, innovateur, chercheur, défenseur des libertés contre toutes les bureaucraties, [i] Bernard Zimmern aura marqué notre époque par la création de l’iFRAP.

Ingénieur et inventeur, il préférait les faits aux grandes idées et les attaques directes aux démonstrations ennuyeuses. Le succès de son premier livre, Les profiteurs de l’État, a merveilleusement montré l’efficacité de cette tactique. Il préférait les chiffres et les statistiques aux citations des grands auteurs. Il avait au moins dix idées par jour agrémentées d’innombrables formules assassines sur l’État et les fonctionnaires. Il se mettait à trembler quand il entendait le nom de Bercy ou de l’ENA (dont il avait pourtant été un brillant élève !). [ii]
Bernard Zimmern, né le 8 juin 1930 de Fernand Zimmern, industriel et de Marcelle Bernheim et mort le 19 août 2020, est notamment le fondateur de l’Institut Français pour la Recherche sur les Administrations publiques [iii] , plus connu sous son acronyme iFRAP, mais il a fait moult autres choses dans sa longue carrière.
L’X puis l’ENA
Elève du lycée Janson de Sailly où il décroche des prix au concours général de physique et de version latine, il entre à l’X en 1949 à la 44ème place sur 180. Il en sort 29ème pour entrer à l’ENA dans la promo 1955 Albert Thomas, dans laquelle il retrouve son ancien Michel Pomey (X 1948) qui sort dans le Conseil d’Etat et devient un grand spécialiste des fondations d’utilité publique. A l’époque 2 places étaient offertes aux X sans concours à condition d’être sortis de l’X dans le premier tiers mais on ne sait trop pourquoi Bernard a choisi l’ENA car il était entrepreneur dans l’âme.
Son cocon Jean Cordier, MIT 54, voisin de casert à Lourcine, témoigne : «Il fut un des premiers à formuler des critiques constructives des programmes de l’ENA. Entrepreneur et inventeur, il a développé une nouvelle taille des engrenages hélicoïdaux sans frottement, sans usure ni échauffement. J’ai été un des premiers adhérents de l’iFRAP, excellent organisme indépendant et intègre. Le gouvernement aurait dû prendre en compte les recommandations, spécifiques et pratiques, résultant de leurs enquêtes approfondies et objectives, qu’il a fait publier ! Je suis fier de son amitié fidèle. Oui, ce fut un vrai X, convaincu de la primauté de l’intérêt national et désintéressé : BRAVO et MERCI ».
De Renault à la Cegos
Curieusement, Bernard sort de l’ENA comme administrateur civil dans la Marine marchande qui le détache aussitôt chez Renault. Il y crée le groupe de recherche opérationnelle (1955-57) et invente en 1956 une résolution de programmes linéaires de transport par la méthode de séparation en étoile. Il est ensuite chef de l’atelier de boulonnerie (57-59) puis adjoint du chef de la préparation mécanique (59-61).
Il quitte Renault en 1961 pour entrer à la Cegos (anciennement dénommée Commission générale de l’organisation scientifique du travail, créée en 1926 par Jean Milhaud (X 1917). Il y est nommé en 1963 directeur du département Recherche et Développement puis en 1966 directeur de l’Institut pour la recherche scientifique Cegoserai.
En 1971, il crée la société Omphale en France mais, se heurtant aux difficultés que rencontre tout inventeur en France, il s’installe à contre-coeur aux USA où il crée en 1981 la société SSCI (Single Screw Compressor Inc) pour développer ses inventions de compresseurs et détenteurs rotatifs à grande vitesse qui feront sa fortune, pour lesquels il dépose plus de 500 brevets, dont les premiers sont curieusement déposés par son père Fernand Zimmern dès les années 60. [iv]
La création de l’iFRAP
De retour en France, convaincu de l’importance des organismes de réflexion privés, communs aux Etats-Unis sous le nom de think tanks mais alors inconnus en France, il crée en 1985 l’Institut iFRAP, qu’il réussit à transformer en fondation d’utilité publique en 2009. Il le préside pendant plus d’un quart de siècle et passe la main en 2012 à Agnès Verdier-Molinié qui poursuit avec succès son action de lutte contre tous les dysfonctionnements de l’Etat et tous les obstacles à la croissance de l’économie française.
Infatigable, devenu président d’honneur de l’iFRAP, tout en continuant à pratiquer la natation à haute dose, il crée en 2012 l’Institut de recherche IRDEME [v], pour développer une discipline économique quasiment ignorée en France : la démographie des entreprises. Il y prône sans relâche l’importance des business angels, nécessaires pour permettre aux jeunes pousses de passer le stade des premières années, qui sont 5 fois moins nombreux en France qu’en Angleterre et 10 fois moins aux Etats-Unis. Il crée aussi les blogs « Emploi 2017 » et « holdupmédiatique » et l’association « Entrepreneurs pour la France (EPLF » [vi] qui publie régulièrement depuis 2013 des articles de chefs d’entreprises au service de l’emploi.
La lutte contre les excès bureaucratiques
Bernard est l’un des fondateurs de Contribuables associés [vii], association créée en 1990, dirigée de 2005 à 2013 par Alain Mathieu (X 57), ainsi que du groupe X Sursaut [viii] , que j’ai créé en 2005 à la suite du rapport éponyme de Michel Camdessus et qui est présidé actuellement par Laurent Daniel (X 96), qui œuvrent tous les deux pour évaluer l’action publique et dénoncer les incohérences de nos politiques qui, depuis des décennies, augmentent les impôts, les dépenses publiques et la dette extérieure, sans pour, autant augmenter le bien-être des Français.
Selon Wikipedia [ix], il aurait été membre du Club de l’Horloge [x], ce qui peut se comprendre du fait qu’il avait un sens critique très poussé, et je ne serais pas surpris qu’il ait été membre du jury du prix Lyssenko – dont la composition est tenue secrète pour éviter les pressions – quand on voit certains récipiendaires de cet antiprix : Hervé le Bras (X 63) pour « son analyse de l’immigration étrangère et de la natalité française » en 1991 ou Gilles Kepel et Bruno Étienne pour « leur analyse du déclin de l’islamisme » en 2001 ou Thomas Piketty pour « son analyse du capitalisme et des inégalités » en 2015 !
Bernard a reçu de nombreuses récompenses professionnelles dont la médaille d’or de l’Institute of Refrigeration (Londres), qui récompense les contributions les plus remarquables à l’industrie de la réfrigération (1977, la médaille Giffard de la Ville de Paris (1989), le prix Renaissance de l’économie, attribué par le Cercle renaissance, pour avoir fondé l’iFRAP (1999) et le prix Grammaticakis-Neumann de l’Académie des sciences morales et politiques (2015).
Un auteur prolixe

Il a écrit de nombreux ouvrages de référence, dont Développement de l’entreprise et innovation (Hommes et Techniques, Puteaux, 1969), À tout fonctionnaire son chômeur (Odilon media, 1999), Les profiteurs de l’État (Plon, 2001), Les Fabricants de chômage (Plon, 2002), La dictature des syndicats : FO, CGT, SUD… nos nouveaux maîtres (Albin Michel, 2003), Changer Bercy pour changer la France : les riches sont la solution, pas le problème (Tatamis, 2015).
Et, bien sûr, il a écrit de nombreux articles pour la Jaune et la Rouge [xi] : Le tandem investisseur-entrepreneur aux États-Unis (n° 549) ; Comment évaluer l’effet des politiques publiques (n° 584) ; Création d’entreprises et Business Angels (n °619) ; La santé aux États-Unis, coûteuse et complexe, mais performante et dynamique (n°630) ; Créer des « petits boulots » ? (n° 673).
Bernard avait épousé Marie Ducas en août 1952 et était père de 2 enfants (Philippe [xii] et Irène, épouse Audouard). Mais l’enfant dont il peut être le plus fier est sans doute l’iFRAP, qui lui survivra longtemps. Comme le disent ses amis de l’iFRAP en conclusion de la tribune qu’ils ont écrite sur Figaro Vox en son hommage [xiii] : « Bernard Zimmern peut, dans sa dernière demeure, avoir confiance en ceux qui l’ont aimé, suivi, soutenu. Son action sera perpétuée, les fondations qu’il a créées sont solides ».
[ii]https://fr.irefeurope.org/Publications/Articles/article/Bernard-Zimmern
[iv]http://www.freepatentsonline.com/3133695.html
[vi]https://entrepreneurs-pour-la-france.org/
[vii]https://www.touscontribuables.org/
[viii]http://www.x-sursaut.org/
[ix]https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Zimmern
[x]http://www.clubdelhorloge.fr/
[xi]https://www.lajauneetlarouge.com/auteur/bernard-zimmern-49/
[xii]Professeur d’urologie à University of Texas Southwestern Medical center
[xiii]https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/hommage-au-fondateur-de-l-ifrap-bernard-zimmern-20200826
Laisser un commentaire