La catastrophe ou la vie [i]

A paraitre sous une forme réduite dans la Jaune et la Rouge

Après Une guerre qui ne peut avoir lieu, essai de métaphysique nucléaire (notre recension du 3 mai sur dallax.blog), Jean-Pierre Dupuy (X 60) vient de sortir ce petit livre de « pensées par temps de pandémie», où il égrène en 13 chapitres les pensées qui lui sont venues au jour le jour pendant la crise du covid. Echelonné du 10 mai au 15 décembre, ce « journal de pensée » s’ouvre par une longue introduction où JP explique que l’ambition de son livre est, tout simplement, d’essayer de comprendre comment, en prenant exemple sur la France, les Etats-Unis et le Brésil, pays qu’il connait bien, tout un ensemble de gens intelligents et cultivés, qu’il appelle des intellectuels, ont pu et peuvent encore déraisonner au sujet de cette pandémie. Tout en étant lui-même intellectuel, JP explique qu’il ne fait pas partie du lot critiqué car il a l’avantage d’avoir une formation scientifique, ce que je peux attester car le premier de ses quelques 30 ouvrages, dont la liste occupe 4 pages à la fin du livre, est un livre plein d’équations, que nous avons écrit ensemble voici un demi-siècle [ii] Hélas, JP constate que ce qui est un avantage aux USA, où il enseigne à Stanford, serait plutôt un inconvénient en France…

Après un premier chapitre au titre ésotérique, la meilleure mort, le deuxième démonte le covidoscepticisme, représenté par André Comte-Sponville que JP descend en flammes car il ne connait pas la différence entre moyenne et médiane. JP s’attaque ensuite à ceux qui dénoncent une prétendue sacralisation de la vie, en distinguant entre la vie nue et l’authentique vie humaine. Il y revient dans un chapitre sur la vie biologique, grandeur et déclin, après une diversion sur le concept de catastrophisme éclairé, qui procède d’une réflexion sur le rôle du prophète de malheur, comme Jonas à Ninive, auquel il a consacré il y a 20 ans un livre encensé par la critique.[iii]

On passe ensuite au sophisme de l’an 2000, exemple d’évènement prévu par tous mais qui ne s’est pas produit : toutes les sociétés ont engagé d’énormes dépenses pour éviter que leur informatique se plante le 31 décembre 1999 et il ne s’est rien passé, preuve selon certains que le soi-disant bug de l’an 2000 était une illusion et qu’il ne fallait rien faire ! JP trouve ce sophisme dans le discours des intellectuels français à propos de la pandémie. Après un chapitre intitulé masques et mensonges, qui font bon ménage depuis la nuit des temps, JP s’insurge contre l’indécence du tri entre les personnes à soigner. Pourtant tout le monde sait que ce tri a toujours existé car les moyens disponibles sont limités et la seule autre solution est le tirage au sort qui n’est vraiment pas optimal. Un autre chapitre sur le prix de la vie rappelle que les ingénieurs économistes qui ont travaillé naguère sur la RCB avaient déterminé un prix à appliquer aux vies humaines sauvées par les investissements routiers, qui n’était pas du tout un jugement de valeur mais simplement une variable duale traduisant la contrainte budgétaire. Les valeurs implicites sont très différentes dans les transports et dans la santé. JP ne s’ offusque pas de ce qui chagrine les économistes, considérant qu’un homme n’est pas une jeep !

 JP conclut que nous n’avons décidément pas été à la hauteur de notre passé ni de ce que comme peuple nous sommes capables de penser et de faire. Qui pourrait contester cette conclusion ?

Truffé de nombreuses notes de bas de page montrant l’érudition de son auteur, ce livre a eu un retentissement important. Vous pouvez en trouver notamment une recension dans l’Express du 25 mars [iv] et dans l’Obs du 22 avril [v]

Hubert Lévy-Lambert (53)


PS Evènements improbables

Pierre Pène, gouverneur militaire du pays de Bade

Pierre Pène et moi

A réception du dernier numéro de la Jaune et la Rouge contenant ma recension du livre d’Olivier Pène sur son père Pierre Pène (X 20 S), compagnon de la Libération (la Jaune et la Rouge n° 765 p 89), j’ai eu la surprise de me reconnaitre dans le jeune garçon figurant sur la photo de Pierre Pène illustrant l’article ! Par quel hasard étais-je à côté de lui sur cette unique photo de Pierre Pène en uniforme figurant sur le site de la famille Pène ??

Henri Cartier-Bresson, le grand jeu

Bal de l’X à l’Opéra 1968

La BnF François Mitterrand consacre une belle exposition à un ensemble de 360 oeuvres de Cartier-Bresson choisies par lui-même pour représenter la quintessence de son oeuvre. Cinq commissaires d’exposition, dont François Pinault ou Wim Wenders, ont choisi, sans se concerter, un ensemble de 50 oeuvres qui sont exposées dans 5 galeries. Certaines oeuvres se retrouvent dans plusieurs galeries. L’une d’entre elles, intitulée Bal de Polytechnique à l’Opéra en 1968, a attiré mon attention. Qui me dira le nom du VIP qui y figure ? Et celui du jeune conscrit en GU ??

[i] Edition du Seuil, 2021, 264 p.

[v] Oui, la vie est le bien suprême, l’Obs, 22 avril 2021, pp 61-64

[ii] Les choix économiques dans l’entreprise et dans l’administration, Dunod, 1973-75

[iii] Pour un catastrophisme éclairé, quand l’impossible est certain, Seuil, 2002-2004

[iv] Les intellectuels covidosceptiques sont de sophistes, L’express, 25-31 mars 2021, pp 64-65.

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1 commentaire

  1. Le 14/06/2021 à 10:03 message de Francois Chavaudret :

    Cher camarade et ami,
    Merci d’attirer notre attention sur ce beau livre, plein, comme presque toujours chez JPD, d’intelligence et de sollicitude pour le genre humain.
    Je ressens tellement le mal français dans le mépris des intellectuels made in rue d’Ulm pour la science et la technique (Hure à Sartre et Comte-Sponville) que je le conseillerais rien que pour ça.
    Bien à toi,
    François Chavaudret

    J’aime

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